Il est l’un des plus gros RPG à être sortis des studios de chez Sega. Skies of Arcadia a su transcender à sa façon les horizons du RPG japonais en proposant un univers de jeu tout à fait unique: bateaux volants, pirates et chasses au trésor… Cependant, aborder un tel monument du J-RPG, même douze ans après sa sortie, est un exercice bien délicat. Rendre hommage de manière exhaustive à ce RPG, bien connu des spécialistes du genre, tout en donnant l’envie aux autres joueurs de prendre la manette et de se lancer dans l’aventure, est un challenge en soi. Le défi étant posé, n’écoutons maintenant que notre courage et notre bon cœur et mettons les voiles pour les cieux d’Arcadia, où nous attendent trésors, piraterie et… grandes découvertes!
RPG/ Dreamcast | Game Cube/ 2000 (Jap/US) 2001 (EU)/ Sega/ Overworks
L’univers
Dans les cieux d’Arcadia
Les fans s’en souviennent encore très bien. L’intrigue vous plongeait au cœur d’Arcadia, un monde parsemé d’îles qui flottent mystérieusement dans les airs. Face à une telle géographie céleste, les hommes durent s’adapter et développer des moyens de transport leur permettant de communiquer entre eux. Grâce à un minerai particulier appelé «pierre de lune», ils élaborèrent un réseau de bateaux volants capables de transgresser ces contraintes naturelles et d’assurer ainsi des échanges de diverses natures. Mais là où se cachent l’or et les marchandises, se terrent également les pirates ! Et les cieux de Skies of Arcadia en sont garnis ! Toutefois, cette piraterie se divise en deux catégories : les pirates bleus (des pirates aux grands cœurs dirigés par Vyse, le héros de Skies of Arcadia), et les pirates noirs (assoiffés d’or et adeptes du brigandage).
La première force de Skies of Arcadia est de proposer un univers de jeu cohérent. Le nom «Arcadia» étant lui-même une référence implicite à une région de Grèce nommée «Arcadie». Géographiquement, c’est une région montagneuse située au centre du Péloponnèse. Ses origines sont antiques car le terme «Arcadie» est dérivé du nom d’Arcas, fils de Zeus et roi d’Arcadie. Au temps des premières colonisations grecques (VIIIe siècle av. J.-C), cette terre était le symbole d’une région pastorale idyllique où les bergers vivaient en harmonie avec la nature. Il ne fait aucun doute que l’équipe d’Overworks font implicitement référence dans Skies of Arcadia à cette partie de notre monde, présentée par les sources historiques (notammentVirgile et Ovide) comme un véritable paradis sur Terre.
Par-delà l’horizon
Trois continents principaux sont identifiables dans le Skies of Arcadia. Le premier, au nord, se nomme Valuan. C’est le siège de l’empire du même nom, dont la flotte militaire est d’une puissance redoutable. Au sud de ce continent se trouve Nars, une terre plus désertique où vivent des peuples nomades. Enfin, à l’ouest, se situe Ixa’Taka, un continent à la végétation luxuriante où s’épanouit une civilisation plus «primitive». Ces trois continents entourent un océan central au sein duquel se trouve un petit archipel d’où est originaire Vyse. L’étendue de ce «monde connu» ne saurait toutefois se limiter à ces quatre grands ensembles. D’autres terres se cachent peut-être au-delà de cet horizon, des terres ou nul n’a encore jamais osé s’aventurer…
L’univers de Skies est crédible et présente des points communs avec notre géographie. Les continents de Valuan, Nars etIxa’Taka évoquent fortement l’Eurasie, l’Afrique et l’Amérique latine. A ces éléments géographiques s’ajoutent aussi des références historiques. Les arcadiens vivent en effet selon une vieille croyance en considérant le monde comme une vaste étendue horizontale où l’univers s’engouffre au-delà d’une ultime limite. Cette pensée fait référence à notre conception médiévale du monde qui perdura approximativement jusqu’aux Grandes Découvertes.
A l’instar de Christophe Colomb, Vyse sera le premier à pressentir l’existence d’autres mondes au-delà du «récif noir» où semblent se matérialiser les limites des cieux d’Arcadia.
Enfin, l’équipe d’Overworks a pris le soin de doter cet univers d’un alphabet qui lui est spécifique ainsi que d’un calendrier plutôt précis.
Combinés entre eux, tous ces éléments du background donnent incontestablement à Skies of Arcadia une rare profondeur.
A l’instar de Christophe Colomb, Vyse sera le premier à pressentir l’existence d’autres mondes au-delà du «récif noir» où semblent se matérialiser les limites des cieux d’Arcadia.
L’histoire
Il y a bien longtemps, les peuples d’Arcadia formaient une puissante civilisation qui trouvait les leviers de sa prospérité dans un mineral appelé «pierre de lune». Précieux, ces minéraux permettaient d’extraire une ressource énergétique très importante. Celle-ci conférait aux arcadiens la possibilité d’être une civilisation à la pointe de la technologie. Puis, vint le temps où ces pierres de lune suscitèrent la convoitise des arcadiens qui finirent par s’entretuer dans des guerres fratricides. De cette guerre naquirent de mystérieuses entités de destruction baptisées «Giga». Celles-ci provoquèrent une «pluie de destruction» qui mit fin à cette première civilisation arcadienne. Mais de cette pluie allait naître également un monde nouveau. Un monde où les minéraux ont la capacité de léviter, formant ainsi les îles flottantes si caractéristiques d’Arcadia.
Les évènements du jeu commencent toutefois plusieurs centaines d’années après ces faits historiques. Au cours de ces nombreux siècles, l’histoire qui vient de vous être contée se changea progressivement en légende, avant de s’évanouir du souvenir des arcadiens. Vous incarnez Vyse, un jeune pirate membre de l’organisation des voleurs bleus dont le rêve est comparable à celui des grands explorateurs : explorer le monde et découvrir ce qui se cache derrière l’horizon.
Vyse vit paisiblement dans son village natal en compagnie de son amie d’enfance Aika. Tous deux rêvent de voyages et d’aventures. Ce quotidien «paisible» sera toutefois bouleversé à l’instant où les deux amis porteront secours à une mystérieuse jeune fille prénommée Fina, capturée par l’un des amiraux de l’armée de l’empire valuan.
Cette fille n’est pas tout à fait comme les autres. Elle est une silvite, une descendante du peuple d’Argent. Elle constitue une précieuse source de renseignements pour les forces de l’empire valuan. Au fil de l’histoire, votre équipe découvrira grâce à Fina la véritable histoire de ce monde, mais aussi le danger que courent tous les arcadiens. Elle expliquera ainsi que les six puissantes entités destructrices qui détruisirent jadis l’ancien monde, pourraient à nouveau sortir de leur long sommeil si l’empire valuan mettait la main sur les «cristaux de Lune».Votre quête mettra alors en scène de nombreux chassés-croisés entre l’empire valuan, qui cherche à s’emparer de ces cristaux (afin de réveiller et de contrôler les légendaires «gigas» destructeurs que Fina a mentionnés) et votre équipage, qui cherchera à tout prix à les récupérer avant pour les préserver de tout mauvais usage.
Le casting
Cette «course au trésor» est parsemée de nombreux rebondissements. La narration du jeu se veut extrêmement bien rythmée et passées les premières heures de jeu, un évènement vous mettra sur les fesses toutes les 45 minutes environ. Le casting, parfaitement réussi, permet au joueur de se laisser très facilement happer par l’histoire de Skies of Arcadia.
Des héros très gentils…
Vous incarnez donc Vyse, un pirate bleu membre de l’organisation des voleurs bleus. C’est un jeune garçon de 17 ans très positive attitude. Brave et courageux, il montre très vite des aptitudes de leader qui lui permettront de devenir le capitaine d’un équipage et d’un navire puissant avec le Delphinus. Dans sa quête, il sera accompagné de Fina, une descendante du peuple d’Argent ainsi que de la très énergique Aika, son amie d’enfance. Votre équipe s’étoffera par la suite d’autres personnages charismatiques tels que l’irremplaçable Drachma (un vieux pécheur au grand cœur), le prince rebelle Enrique (fils de l’impératrice de Valuan), ou encore l’irrésistible Gilder (un pirate amateur de belles femmes). Pour des raisons qui appartiennent à chacun d’entre eux, ces personnages aux personnalités travaillées seront amenés à se joindre à votre équipe, afin d’engager à vos côtés une lutte sans merci contre l’empire.
…aux méchants pas contents
L’empire Valuan, fortement hiérarchisé, exerce un régime tyrannique depuis la prise de pouvoir de Théodora Ière. Celle-ci est une impératrice despote obnubilée par le pouvoir et la richesse. C’est sous son autorité que les forces de l’empire valuan se mirent à rechercher activement les cristaux de Lune. Mais l’impératrice ne serait rien sans une puissante armée. Celle-ci est dirigée par Galcian, le commandant suprême des forces de l’empire. Galcian n’a que faire des richesses et des compliments de la reine. Ce qu’il désire se résume à un mot: le pouvoir. Il est secondé dans sa tâche par Ramirez, un personnage discret mais incroyablement puissant. Ramirez constitue une forte menace pour votre équipe.
Ce casting ne présente toutefois que les principaux protagonistes. De très nombreux personnages secondaires seront amenés également à jouer des rôles importants voire décisifs dans le déroulement de l’histoire. Aussi, notez que Vyse mobilisera au cours de l’aventure un solide équipage que vous devrez vous-même constituer en recrutant (parfois difficilement) des personnages intéressés par l’idée de se joindre à vous. Votre équipage peut compter jusqu’à 22 membres, certes non-jouables, mais qui conféreront des compétences à votre navire et qui vous permettront même d’avoir accès à une attaque surpuissante durant vos combats terriens.
Un casting complet donc, qui vous surprendra autant par la légèreté de quelques membres de votre équipage que par la gravité et la complexité psychologique de certains autres. Quoi qu’il en soit, tous sont remarquablement bien inscrits dans l’histoire et l’univers du jeu, si propices à l’aventure!
Ambiance
Skies of Arcadia est une invitation au voyage, un dépaysement pour nos sens visuel et auditif. Le soft surprenait tout d’abord par son immensité, le monde d’Arcadia étant particulièrement étendu sous toutes ses latitudes. Lors des déplacements sur la carte du monde, votre navire pouvait à loisir se déplacer horizontalement ou verticalement, vous permettant ainsi de découvrir de nouvelles terres dissimulées sous certains continents par exemple. Il n’était à ce titre pas rare de se laisser aller au gré des flots, tantôt dans le ciel dégagé de votre île natale, tantôt dans les océans impétueux des mers du sud.
Les paysages rencontrés sont d’une grande diversité : plaines enneigées, terres brûlées par le soleil ou méconnues de l’Homme, archipels sauvages, villes aux technologies avancées… Cette mosaïque de continents est rendue vivante par une grande richesse graphique.
Bien que Skies of Arcadia ait graphiquement vieilli (concernant l’aspect des personnages notamment), il reste très haut en couleur et le travail effectué sur les différentes textures est exemplaire.
Les effets spéciaux durant les combats sont toujours aussi saisissants (effets de magie, attaques spéciales…). Ils accusent plutôt bien le poids du temps. En somme, c’est une ambiance unique, renforcée par une bande son d’une grande justesse, qui émane deSkies of Arcadia.
Il suffit d’écouter la bande originale du jeu pour s’en convaincre. Quel plaisir de s’attarder sur les thèmes des principaux protagonistes qui matérialisent à la perfection la psychologie de chacun (avec une mention spéciale pour le thème de Ramirez). De même, chaque région du monde a son propre thème musical. Les différents thèmes proposent des sonorités inspirées des différents peuples visités. Dans la bande originale on trouve certains morceaux extrêmement soignés, comme l’émouvant thème de l’écran titre de Skies of Arcadia, ou encore le surpuissant thème du boss final qui donne des frissons!
Enfin, petite originalité sonore propre au jeu : lorsque vous prenez l’avantage dans une bataille contre un boss, la musique change et commence ainsi à esquisser votre issue victorieuse. Une idée simple, mais terriblement efficace!
A l’abordage !
Les combats
Tout ce tableau semble parfait jusque-là. Pourtant – et les fans me voient venir – les combats de Skies of Arcadia ne sont pas des plus inoubliables. Sans être mauvais, ils demeurent tout de même assez basiques. Ces derniers fonctionnent selon un système de «tour par tour». Chacun de vos quatre coéquipiers présents sur la zone de combat dispose d’un certain nombre d’actions «classiques» à réaliser (item, défense, attaque, magie). Ces actions consomment des points de focus, qui constituent donc en quelque sorte votre «barre d’action».
L’intérêt est de mettre de côté des points de focus au fur et à mesure des tours de jeu, afin d’étendre le champ de vos compétences et de pouvoir utiliser des attaques plus dévastatrices durant un tour. La barre se remplit automatiquement à chaque tour. Cependant, vous pouvez aussi sacrifier le tour de jeu de l’un de vos personnages en utilisant l’action focus, afin de remplir la barre plus rapidement. Lorsque celle-ci est à son maximum, vous pourrez déclencher l’une des attaques les plus puissantes du jeu en mobilisant tout votre équipage!
Ce système aurait été un autre point fort du jeu si les combats ne manquaient pas autant de dynamisme. Les combats sont fortement desservis par la grande quantité d’ennemis présents à l’écran (parfois plus d’une dizaine), par l’inutilité de la grande majorité des magies (hormis les magies de soin) et par l’impression de confusion qui en ressort globalement. Nous nous retrouvons donc face à un système de jeu où le moyen le plus efficace pour en finir rapidement est de bourriner furieusement la touche «attaque». Heureusement, les bosses vous poseront un peu plus de problèmes, vous poussant souvent à penser et mesurer intelligemment chacune de vos actions.
Toutefois, les combats dans Skies of Arcadia ne se limitent pas aux seules confrontations terriennes, mais mettent également en scène de véritables batailles aériennes complètement épiques !
Les batailles navales
Nous touchons là à l’une des grandes originalités de Skies of Arcadia : les batailles navales. Au fil de l’aventure, on sera effectivement amené à déployer les forces de son navire face à des embarcations de pirates noirs, des vaisseaux de l’empire ou, pire encore, des créatures géantes (les Gigas). Réalisés par les concepteurs de Panzer Dragoon, ces combats, en plus d’être un ravissement pour les sens (musiques sublimes, mises en scène dynamiques, effets spéciaux soignés…) sont de véritables luttes stratégiques.
L’issue de ces batailles repose en effet sur l’anticipation des mouvements de vos adversaires. Les combats navals se déroulent une fois de plus selon le principe du tour par tour. Vous sélectionnez d’abord les actions de chacun des membres de votre équipage, tout en prenant garde à surveiller les petits carrés de couleur qui apparaissent à l’écran et qui vous donnent une idée des tours de jeu de votre opposant. Vous pouvez ainsi mesurer la dangerosité liée à chaque tour. Le carré vert indique un tour peinard, le carré orange invite à la prudence et le rouge laisse présager du pire! De temps à autre, il apparait sur cette barre un «C». Celui-ci indique que vous bénéficiez d’un avantage sur votre adversaire durant le tour concerné. Il vous invite donc à lancer une attaque dévastatrice (si votre barre de focus vous le permet, bien entendu). A vous d’anticiper et de sélectionner soigneusement, pour les tours de jeu à venir, une série d’actions parmi les suivantes: fuir, choisir un item, se protéger, tirer, utiliser de la magie ou remplir sa barre de focus. Pour remporter la bataille, il suffit de réduire les HP des navires adverses à néant ou de les pousser à prendre lâchement la poudre d’escampette.
Ces deux systèmes de combat, différents dans le fond et la forme, permettent au jeu de varier efficacement les phases de jeu. Difficile de se lasser de l’aventure donc, surtout que le nombre de quêtes annexes est assez surprenant (batailles navales optionnelles, équipage à recruter, recherche de trésors ou de nouvelles terres, quête de la dernière arme de Vyse…). Bref, Skies of Arcadia nous apparait encore comme un jeu ultra complet, qui n’a, sur bien des points, rien à envier aux autres productions du genre. Cela est encore plus vrai aujourd’hui où les codes traditionnels du J-RPG se sont évanouis avec l’essor de nouveaux critères pensés pour satisfaire un public plus large.
Verdict
Nous arrivons ainsi au terme de ce voyage qui, nous l’espérons, vous aura permis de (re)découvrir l’un des derniers grands RPG de Sega. Proposant entre autres qualités un univers riche et soigné, des musiques tantôt épiques, tantôt mélancoliques, un scénario accrocheur, un casting complet, des bad guys charismatiques et un système original de bataille navale, Skies of Arcadia ne peut que s’imposer à juste titre dans votre cœur, pour peu que vous aimiez les RPG. Pour les autres joueurs, curieux ou amateurs des jeux de cette époque, il sera, à n’en point douter, une excellente référence. Un véritable coup de cœur pour la rédaction de Retro Playing, pour laquelle Skies of Arcadia reste un «intouchable» du jeu vidéo japonais.
Ce jeu est une telle perle que même la fin du monde ne pourrai l’ébranler. 5/5 pour moi.
Je me suis régalé d’un bout à l’autre avec ce jeu. Une bouffée d’air frais et de créativité! Le seul défaut, les combats sont trop lents! Alors que le système de focus était parfaitement bien pensé… dommage! La fin est superbe en plus, et les rebondissements nombreux! Et qu’est-ce qu’il est long (et bon!)! Personnages attachants et réussis, musiques superbes, l’ambiance d’aventure et d’exploration est parfaitement réussie. Et quand je repense à ces joutes navales qui font intervenir votre équipage (que vous avez vous même formé!) avec cette musiiiique… Vraiment, un chef d’oeuvre…
J’ai lu en détail cette review écrite avec le coeur! Mention spéciale aux première lignes sur « Arcadia » qui montrent encore une fois les travaux de recherches de certaines équipes de développement, et la profondeur et la cohérence qu’elles cherchent à donner à leurs créations. Je suis bien d’accord avec toi concernant la richesse du casting, la psychologie travaillée des persos et le dépaysement de chaque instant. Sans parler des rebondissements vers la fin du jeu! Quel dommage que les combats ne soient pas plus réussis… Heureusement les épiques batailles navales étaient un plaisir de chaque instant! Très bonne review!;)
Quel hommage rendu à l’un des meilleur RPG sur 128 bits! Très bon test, qui résume très bien la profondeur du jeu.