Alors qu’il était prévu initialement de consacrer ce «jeu du mois» à Dragon Force sur Saturn, notre choix s’est finalement porté sur un dénommé Silhouette Mirage après avoir constaté –non sans surprise- le peu d’articles ou de tests consacrés à son sujet sur internet. Un bien triste sort pour ce jeu estampillé Treasure qui, en plus de n’avoir pas connu de sortie européenne en son temps, n’attire pas non plus (ou peu) l’attention des internautes amateurs de jeux vidéo. Mais qu’à cela ne tienne! Nous aimons bien ici les petites perles oubliées par le temps. Ainsi, avons-nous choisi d’orienter ce mois-ci notre «retro»-projecteur sur Silhouette Mirage, un action/shoot’em up/plateforme qui ne fait pas dans la demi-mesure…
Odallem
Un monde Post-apocalyptique
Quand la fin du monde surviendra…
Le scénario de Silhouette Mirage vous projette dans un futur post-apocalyptique, à Armageddon, un petit mont en Galilée où doit avoir lieu selon la tradition judéo-chrétienne le dernier combat entre le bien et le mal. Œuvrant à l’amélioration générale de l’humanité, des scientifiques du centre de recherche d’Edo parviennent à isoler après quelques expériences génétiques chez un mystérieux individu deux attributs à la fois complémentaires et opposés: La Silhouette et le Mirage. Toutefois cette expérience tourne mal.
Pour une raison inconnue, une anomalie survient dans le terminal du centre de recherche d’Edo et provoque une catastrophe biologique sans précédent puisqu’elle modifie la structure génétique des différentes entités vivant sur terre. Celles-ci deviennent Silhouette ou Mirage. Le jeu vous met à ce moment-là dans la peau de Sinna, une «messagère de la justice» déléguée par l’ordinateur de Gehena pour réparer l’anomalie survenue à Edo et neutraliser tous les cas présentant un seul attribut.
Un message codé?
Un tel scénario mérite attention. Le jeu utilise en effet un langage qui renvoi directement à la pensée Judéo-chrétienne et plus encore Kabbalistique avec l’usage de noms pour le moins évocateurs comme Zohar, Armageddon etc. Pour information, la Kabbale est un courant ésotérique du Judaïsme présenté comme la «Loi orale et secrète» donnée par Dieu à Moïse au Mont Sinaï en même temps que la Torah. La Kabbale se caractérise essentiellement par une forte attente messianique, mais aussi comme un ensemble de spéculations métaphysiques sur Dieu, l’homme et l’univers. De ce courant découle aussi d’autres mouvements plus connus comme celui de la Franc-maçonnerie. Il est à ce titre étonnant de voir dans Silhouette Mirage plusieurs symboles repris directement de ce dernier (apparition d’un œil lorsque l’on terrasse un ennemi; omniprésence de la figure du triangle renvoyant aux symboles du «Delta Lumineux» symbole de la connaissance «éclairée» etc…).
Les sept magies disponibles sont également évocatrices puisqu’elles portent le nom des sept péchés capitaux. Toutefois, pouvons-nous regretter que ces quelques références soit parfois articulées entre elles de manière hasardeuse. A vrai dire, Treasure donne plus l’impression d’avoir mobilisé ces références dans l’optique de rendre le jeu plus attractif et «exotique» au public japonais que pour en délivrer un message.
Une réflexion générale sur la place de l’homme se dégage certes, mais celle-ci manque parfois de cohérence lorsqu’il s’agit de la confronter à une pensée plus religieuse. Quoiqu’il en soit, le syncrétisme de ces divers éléments ajoute à l’univers riche et complètement décalé de silhouette mirage, une saveur scénaristique qu’il est rare de trouver dans un jeu d’action 2D.
Un univers riche et une réalisation de haute volée
En plus d’une toile de fond scénaristique réussie, Silhouette Mirage propose visuellement un univers lui aussi très attrayant. Techniquement parlant, c’est superbe. Treasure pousse la Saturn dans ses moindres retranchements en proposant une multitude d’effets visuels 2D: zooms, effets de distorsion, explosions à tout va, rien ne manque pour égayer nos rétines. Et l’animation n’est pas en reste! Là où la version PSX présente quelques ralentissements, la version Saturn est fluide, et la multitude d’ennemis parfois présents à l’écran n’entache pas (ou peu) l’animation du jeu.
Bref, Treasure nous montre une fois de plus sa maitrise de la 2D. Celle-ci est d’ailleurs servie par un backround et un level design de qualité. Chaque niveau est soigneusement mis en scène. Le chara design style «manga» et l’humour complètement décalé ajoutent incontestablement au jeu beaucoup de cachet. Enfin, l’univers sonore est lui aussi de très bonne facture avec des musiques plutôt mondaines qui collent parfaitement à l’esprit du jeu. Les bruitages sont variés et les voix digitalisées accompagnent d’une manière adéquate un gameplay original et dynamique à souhait…
Un précurseur pour Ikaruga?
Le système de jeu de Silhouette Mirage est à la fois classique et original. A l’instar d’un Gunstar Heroes (Treasure), votre héroïne a la possibilité de «dasher», sauter, glisser au sol, chopper ses adversaires, le tout dans une action à «défilement multidirectionnel» survoltée. Aussi, vous est-il possible de vous ravitailler et de recharger vos magies en cours de partie en échange de quelques pièces sonnantes et trébuchantes. Mais là n’est pas la grande originalité du soft. Au-delà de ce gameplay de base, c’est par son système de «bichromie» que Silhouette Mirage se démarque des autres productions du genre. Sinna doit en effet neutraliser deux types d’ennemis: Les «Silhouettes» et ceux du type «Mirages». Votre héroïne appartient aux «Proteans», c’est-à-dire une entité possédant les deux attributs. Vous pouvez ainsi changer de facette en fonction de la direction sur laquelle vous appuyez (droite ou gauche). Vous devrez donc vous adapter à chacun de vos ennemis afin de leurs opposer le bon «profil»: un ennemi Silhouette ne pourra être éliminé que si vous êtes vous-même Mirage et vice-versa.
Toutefois, il serait peut-être exagéré de voir dans Silhouette Mirage le précurseur de ce dernier dans la mesure où un système de «couleurs opposées» avait déjà vu le jour dans Ghost lop, un jeu prototype sur Néo Géo dans le style de Puzzle bubble.
Aussi, vous est-il possible d’affaiblir vos opposants en usant des tirs dans le même attribut qu’eux, ce qui aura pour effet de les priver de leurs magies. Un tel système n’est donc pas sans rappeler un certain Ikaruga, un shoot’em up Treasure sortie en 2002 sur Dreamcast. Toutefois, il serait peut-être exagéré de voir dans Silhouette Mirage le précurseur de ce dernier dans la mesure où un système de «couleurs opposées» avait déjà vu le jour dans Ghost lop, un jeu prototype sur Néo Géo dans le style de Puzzle bubble. Néanmoins, Silhouette Mirage est le premier à adapter ce principe à un jeu d’action.
- Genre: Action/Plateforme
- Editeur: Working Designs
- Développeur: Treasure
- Support(s): PS1/Saturn
Silhouette Mirage s’inscrit incontestablement dans les pas d’un Gunstar Heroes avec un gameplay solide à «défilement multidirectionnel», une jouabilité sans faille et une action pêchue à souhait. Aussi, le jeu propose-t-il un univers vraiment accrocheur et des nouveautés intéressantes, notamment le fameux système de bichromie, inédit (ou presque) pour l’époque. Ceci dit, Silhouette Mirage reste un jeu peu conventionnel. Son univers kawaï, sa 2D «old-school» et son gameplay pour le moins original peuvent aujourd’hui rebuter certains joueurs. Néanmoins, Silhouette Mirage reste une perle incontournable de la Saturn, une perle toujours capable de combler les amoureux des jeux vidéo, qu’ils soient collectionneurs ou simple amateurs de jeux rétro.
La note de Odallem
3.5/5