Il est l’un des cross-over les plus surprenants de ces dernières années. Sorti en 2002 sur PS2, Kingdom Hearts mélangeait en effet deux univers que nous pensions diamétralement opposés, à savoir les mondes de Disney et de Final Fantasy. Un pari délicat donc pour Tetsuya Nomura qui, travaillant pour Squaresoft, en assurait le développement. A l’approche d’une compilation 1.5, revenons ensemble sur les premières aventures de Sora…
L’Ami Raph
Au coeur des ténèbres…
Dans Kingdom Hearts, chaque être possède un cœur qui lui est propre. Tous les êtres des différents mondes qui composent l’univers en ont un, y compris les mondes eux-mêmes. Quand ceux-ci meurent, les cœurs retournent à une source très convoitée : le «Kingdom Hearts». Cette source constitue un pouvoir illimité qui garantit l’équilibre de l’univers. Une clé permet toutefois d’accéder à ces cœurs, de les ouvrir, de les fermer, de les protéger ou de les détruire. Mais seule une personne suffisamment «pure» peut porter un tel instrument et s’en servir : Le détenteur de la «Keyblade».
Ce «diamant d’innocence» n’est pas Aladdin (recalé au casting par Nomura car trop mal habillé) mais Sora, un petit gars bien sympa «made in Square». Celui-ci vit avec ses deux meilleurs amis Riku et Kairi sur une petite île paradisiaque appelée «île du destin». Rêvant d’aventure et de mondes plus vastes, nos trois personnages décident un beau jour de construire un radeau afin de quitter leur île dont ils se sentent malgré tout un peu prisonniers. Mais la nuit précédant leur départ, celle-ci se trouve attaquée par d’étranges créatures sortis de l’ombre. Riku disparaît dans un flot de ténèbres, Kairi se volatilise dans les airs et Sora, désormais seul, fait face à une gigantesque ombre dévastant tout sur son passage. Mais l’histoire ne fait que commencer…
Depuis peu, je fais des rêves étranges. Et je me demande s’ils sont bien réels…
Loin de là, dans un autre monde, un dénommé Donald découvre une lettre du Roi Mickey parti chercher l’explication de la soudaine disparition des étoiles de leur univers. Dans cette lettre, le roi demande au canard le plus colérique de la terre de partir en compagnie de Dingo (chef de la garde royale) à la recherche du «porteur de la keyblade». Celui-ci serait en effet le seul à même de faire revenir la paix dans les mondes et de les éloigner des ténèbres. Suite à un concours de circonstances, les trois compères se retrouvent finalement dans la ville de «Traverse», un monde dans lequel Sora est projeté après la destruction de son île. Ils y apprendront respectivement le but de leur quête par l’un des personnages phare de la série, l’irrésistible «Léon». Pour information, il ne s’agit pas du boucher du coin mais bel et bien de Squall, qui aurait décidé de se faire nommer ainsi pour «des raisons qui lui sont propres»… Mouais. On doit reconnaître que Squall est suffisamment torturé pour nous inventer une chose pareille… mais tout de même! Quoiqu’il en soit, Léon apporte de précieuses informations à votre équipe à propos de ces mystérieux êtres qu’il nomme «sans-cœur».
Ils seraient selon lui des êtres des «ténèbres» ayant pour but de voler le cœur des gens et de détruire les différents mondes en entrant par leurs «serrures». Armé de votre Keyblade, vous voilà donc seul capable de verrouiller les Serrures des différents mondes du jeu pour empêcher ces «sans-cœur» de voler le cœur des gens.
Le scénario de la saga Kingdom Hearts est donc suffisamment poussé et intéressant, pour qui se donne la peine d’y comprendre quelque chose. Celui du premier épisode ne permet pas de tout appréhender, mais les évènements qui y sont narrés constituent indiscutablement un socle de compréhension indispensable à la compréhension générale de la série. Tetsuya Nomura (qui fait office ici d’homme à tout faire) réussi donc le pari délicat de créer une histoire cohérente, qui tient la route, et dans laquelle se mêlent tour à tour des personnages de Square et de Disney. ce n’était pas gagné, mais finalement ça marche. Chapeau l’artiste!
Un casting de rêve?
Il s’agit tout d’abord de faire une distinction entre d’une part les personnages de Disney, et d’autre part ceux de Square et ainsi que ceux créés par Nomura pour l’occasion. Les premiers, surreprésentés si l’on tient compte de la balance Square/Disney, sont une réussite totale. On voit que la firme à mis un point d’honneur à rester fidèle à l’esprit des personnages de l’univers du créateur de Mickey, tant au niveau de leur modélisation, que dans le respect de leur psychologie respective. Jouer à Kingdom Hearts, c’est se replonger avec passion dans les aventures de Winnie l’ourson, de Pinocchio, d’Aladdin ou encore de Jack Skellington. C’est donc retrouver tout ces gentils héros de notre enfance qui n’ont pas pris une ride, qui nous font toujours autant rêver et qui restent toujours prêt à faire équipe avec nous pour défoncer du «sans-cœur» à la pelle. Elle est pas belle la vie? Hélas, il n’en va pas de même pour les personnages de Square, sous-représentés dans ce jeu à mon sens. Mais s’il n’y avait que ça… Dans Kingdom Hearts, Nomura décide de faire un véritable mélange des genres et des mondes, quitte à redéfinir littéralement les buts et intentions de nos personnages fétiches. Désormais Squall est le meilleur pote de Youffie et décide de se faire appeler «Léon», au cas où il ne serait pas assez ridicule… Clad n’a qu’un but dans la vie : retrouver Aéris, qui n’est plus décédée. Quand à Wakka, Selphie et Tidus, ils ne sont plus que de simples «faire-valoir» de notre héros. La pilule est un peu amère, surtout quand on connaît les trajectoires originelles de ces personnages.
Ce constat peut cependant être nuancé si l’on se penche les personnages «made in Square», créés pour l’occasion , soit Sora, Rikku, Kairi et Ansem. Si Sora et Kairi sont de véritables tètes à claques (partenariat avec Disney oblige, le héros doit être gentil tout plein et naïf à souhait) ils restent assez sympathiques et très attachants. Leur psychologies restent cependant très manichéennes (du moins dans ce premier épisode), à l’image de Sora voulant sauver ses amis coute que coute, prêt à tous les sacrifices au nom de l’amitié qu’il voue à ses comparses. Le meilleur amis de notre héros, Rikku, constitue en revanche un personnage très intéressant. Constamment déchiré entre l’amitié et la jalousie qu’il éprouve envers Sora, son sentiment de rivalité et la peur de perdre Kairi, il finit par plonger dans les ténèbres, lui qui ne désire pourtant qu’aider ses amis. Ansem quand à lui, est le personnage typiquement charismatique du jeu. Je ne rentrerai pas dans les détails concernant son histoire, mais sachez tout de même qu’elle vous réserve de bonnes surprises…
Gameplay
Le gameplay de Kingdom Hearts représente certainement un des gros points fort du jeu. En effet, il ne s’agit plus du bon vieux rpg traditionnel auquel Squaresoft nous avais tant habitué mais d’un Action-RPG où les combats se font désormais en temps réels, permettant une excellente maniabilité et beaucoup plus de dynamisme que le principe de jauge ATB si cher à la firme dans Final Fantasy.
Pendant les combats, le joueur ne dirige que Sora, les deux alliés étant contrôlés par l’ordinateur. Le joueur peut influer sur leur comportement, et ainsi définir une tactique générale (comme la fréquence d’utilisation des sorts, compétences et objets). Il vous sera également possible d’intégrer dans votre équipe le personnage Disney du monde que vous visitez, possédant des attaques, magies ou invocations qui lui sont propres. Vous pourrez par exemple faire équipe avec Aladdin lorsque vous vous retrouvez à Agrabah ou avec Arielle une fois sous l’océan. Sympa ! A noter que chaque «Sans-Cœur» vaincu explosera en un tourbillon de MP et de munnies (monnaie du jeu) ou d’objets : très défoulant et qui n’est pas sans rappeler un certain Legend of mana dans le principe… Des combats vraiment fun donc, incroyablement dynamiques, qui rendent le «leveling» beaucoup moins fastidieux que sur un RPG classique ! Petit bémol cependant: ces fichus angles de caméra qui donnent limite envie de vomir et vous feront bien souvent perdre de vue vos ennemis (et ce, même avec le «locking»). Certains combats seront une véritable purge et vous mettrons le cœur au bord des lèvres… si ce n’est pas le cas, c’est que vous êtes probablement un sans-coeur!
Des combats vraiment fun donc, incroyablement dynamiques, qui rendent le leveling beaucoup moins fastidieux que sur un RPG classique !
Le système d’évolution des personnages ne change pas en revanche : à chaque monstre vaincu notre équipe accumule des points d’expérience qui les font augmenter de niveau. À chaque changement de niveau, les caractéristiques des personnages (Points de Vie, Attaque, Défense…) s’améliorent selon un schéma prédéfini par le joueur en début de partie. Elles peuvent aussi être augmentées par l’équipement trouvé lors de l’exploration des mondes, ou achetés dans les boutiques de la ville de Traverse.
À certains niveaux, les personnages apprennent de nouvelles compétences utilisables en combat en les activant au préalable. Au cours de son périple, le joueur obtiendra également des sorts magiques utilisables par Donald et Sora, ainsi que des… invocations bien sûr ! Et là j’en vois déjà s’imaginer un Bahamut flambant neuf plongeant majestueusement sur les ennemis… Que nenni !
Vous aurez droit à des persos additionnels de Disney comme Dumbo, Mushu et j’en passe… Dommage, mais bien marrant tout de même! L’inventaire est également revu et épuré : une arme, un accessoire (deux pour Sora), et deux ou trois objets utilisables en combat, «that’s all Folks»! Les bonus octroyés par vos armes sont restreints, ils n’augmentent que l’attaque, les MP et offrent parfois (rarement) une spécificité (combo+ par exemple). Idem pour vos statistiques, fini les pages et les pages de «carac’» plus complexes les unes que les autres ! A noter également que durant le jeu vous aurez la possibilité de synthétiser des objets (24 en tout). Cette quête n’est pas à négliger en soi car elle vous permettra entre autre d’acquérir la meilleure arme de Sora : Ultima. Un principe intéressant qui aurait du être davantage exploité, ce qui aurait offert au soft une plus longue durée de vie, celui-ci ne brillant pas en effet par la longévité de ses quêtes annexes.
J’en viens maintenant au point qui, selon moi, constitue LE raté du jeu: les phases de déplacement entre les mondes. Votre équipe devra prendre en effet les commandes d’un vaisseau en carton et canarder des vaisseaux ennemis, le tout dans un simulacre de Shoot them up raté et moche. Une honte ! Si Square l’avait pensé comme une sorte d’intermède marrant et défoulant, il en résulte une triste phase de «bourrinage» intempestive et inutile, à moins que vous ne souhaitiez posséder un vaisseau en carton de meilleure qualité. Le pire, c’est que vous serez malgré tout obligé de jouer le jeu en customisant votre vaisseau pour pouvoir atteindre certaines destinations ! Malgré ce petit désagrément, le gameplay du soft saura vous séduire de par sa simplicité et son accessibilité. Comme quoi il est possible de faire de bons jeux tout en restant accessibles aux plus grands nombres.
Ambiance
Autre point fort du jeu, l’ambiance générale. Les mondes de Disney sont propices au rêve et à la fantaisie à l’exemple du monde d’Alice au pays des merveilles, qui nous immerge à nouveau dans un univers si familier où nous nous plaisions à perdre nos repères. D’une façon générale, les différents mondes dans Kingdom Hearts sont jouissifs pour n’importe quels fans de Disney outre les mondes «tapisserie», qui ne font pas vraiment avancer l’intrigue principale. Les éléments scénaristiques n’apparaissent pas toujours de manière régulière en effet. Vous vous retrouverez donc assez souvent largué, sans que vous sachiez ni quoi faire, ni où aller. Ce déséquilibre dans le rythme de la narration, sans grande importance dans le premier opus, est en revanche beaucoup plus énervant dans Kingdom Hearts 2 où vous naviguiez bien souvent à l’aveuglette, jusqu’au festival d’informations des dernières heures de jeu.
Côté graphisme, Square ne déroge pas à la règle en nous proposant encore une fois un jeu de toute beauté. Les décors en full 3D sont propres et rendent parfaitement compte des différents mondes de Disney. La modélisation des personnages est exemplaire, à l’image de Maléfice, Jafar, Ursula, la Bête, j’en passe et des meilleures. Quant aux personnages typiquement «Squaresoft», ils sont relookés par maitre Nomura himself, quitte parfois à les dénaturer un peu. Reste tout de même que Clad est vraiment classe, sans parler de Sephiroth qui déchire tout et ranime le bon vieux souhait d’une réadaptation d’un Final Fantasy VII… Sa «patte» est donc une fois de plus aisément reconnaissable. Comme d’habitude, vous avez droit à des persos bien charismatiques, portant des fringues bizarres et super originales qui, sortis du contexte, seraient une véritable aberration. Quant aux cinématiques, magnifiques, elles demeurent toujours une vitrine du savoir-faire de Squaresoft en la matière, comme nous le rappelle brillement la fameuse fin secrète du jeu, également connu sous le nom de «Deep Dive». Les musiques du soft sont quant à elles composées par une équipe dont le leader n’est autre que Yoko Shimomura, la compositrice en chef de Seiken densetsu, et notamment du génialissime Legend of mana. Bien que la qualité de son travail soit assez inégale dans Kingdom Hearts (je pense notamment à certaines musiques bouche-trou dans les mondes de Tarzan, d’Agrabah et autre), Y. Shimomura signe tout de même de véritables bijoux musicaux, comme le thème d’écran titre «Dearly beloved», qui sera repris et ré amélioré dans Kingdom Hearts II et qui constitue par ailleurs une des œuvres majeures de l’artiste (Le thème de l’organisation XIII en est le parfait exemple : énormissime !!!). L’univers sonore de Kingdom Hearts est de surcroit très envoutant. Les divers sons utilisés pour le menu sont très agréables et renforcent le plaisir de jeu. Peut-être me trouverez-vous un tantinet tatillon, mais s’il y a bien quelque chose qui m’insupporte, c’est bien un jeu bâclé au niveau de ses effets sonores! Dans KH tout est fluide et léger. Autre point (non le moindre), les voix des personnages de Disney sont interprétées par les mêmes célébrités que dans leur œuvres originales. C’est un détail certes, mais n’est-ce pas à cela que nous reconnaissons les grands jeux?
Dans cette» coop» Square-Disney , Mickey semble être tout de même le grand gagnant. L’univers de chacune des deux firmes est en effet respecté, mais souvent au détriment des personnages de Squaresoft. Le soft en lui même souffre de quelques défauts, mais reste, dix ans après, diablement bon ! Bref, KH reste un jeu aux personnages très attachants qui réussi le pari fou de méler deux univers qui n’ont rien en commun hormis un mot : celui de «Fantaisie». Et c’est une belle fantaisie que Square nous propose ici, dont il ne surtout pas se priver ! Ceci nous rappelle donc à quel point l’éditeur savait prendre en son temps des risques et proposer des licences audacieuses.