«La huitième merveille du monde». L’expression peut aujourd’hui faire sourire. Pourtant, la presse spécialisée n’hésita pas un seul instant à encenser comme tel la sortie européenne de FFVII sur Playstation en 1997. «Fanboyisme» exacerbé, certes. Mais succès commercial aussi. Final Fantasy VII démocratise en effet le J-RPG et une part de la culture japonaise en occident. Ses nombreuses qualités, accompagnées du soutien de la critique spécialisée, ont fait de ce jeu un soft qui a encore aujourd’hui le vent en poupe. Inutile de dire que quinze après, l’attente DU remake qui tue est attendue de pied ferme par de nombreux fans. Mais square a-t-il bien saisi l’attente de ses nombreux fans avec cet présente réédition, et surtout à qui s’adresse-t-elle vraiment?
Retour sur un succès planétaire
RPG et culture nippone
Ambiance steampunk, culture de la catastrophe naturelle, message écolo, personnages torturés, brassage de références religieuses ou mythologiques… il ne fait aujourd’hui aucun doute que le succès de FFVII exporte avec lui une vision japonisante du monde, de la société et de la nature. L’homme est placé au centre d’une nature qu’il domine, exploite et sacrifie sur l’autel du profit et de la consommation. Final Fantasy VII aborde aussi la question de l’essence vitale de la nature et des êtres vivants à travers la life stream.
Ces thématiques correspondent à certains égards à la conception que les japonais ont de la vie et de leur propre environnement. Les «théories Gaïa» sont ici abordées à travers la destinée tragique d’Aeris et d’une terre souffrante, la pensée écologique, elle, par l’exploitation abusive de mère nature. Rappelons que ce dernier point n’apparait pas dans FFVII à n’importe quel moment : les questions touchant l’environnement et le développement durable impliquent particulièrement les japonais et commencent à envahir le débat public dès le premier protocole de Kyoto (1995). FFVII propose donc une vision critique et originale de la société, une vision dont les joueurs occidentaux restent, même aujourd’hui, encore friands.
Un système de jeu efficace
Au-delà de son univers, Final Fantasy VII marqua également les esprits grâce à un gameplay bien calibré. En 2012, la machine est toujours aussi bien huilée. Pensons au système de «matéria», simple et original, qui donne aux joueurs une grande liberté de combinaison. Rappelons que ces petites pierres de couleur s’équipent directement sur les armes de vos personnages, qu’elles peuvent être de différentes natures (magie ; soutien ; invocation ; etc) et que leurs subtiles combinaisons dans le menu peuvent influer de manière spectaculaire sur les compétences et caractéristiques des membres de votre équipage lors des combats. Ce point de gameplay est assurément un des gros points fort du jeu.
Un véritable film interactif… ou presque!
Vendu à tort par certain média comme un véritable «film interactif», Final Fantasy VII provoqua en son temps un certain mécontentement auprès des joueurs les moins avertis. On se souvient encore de la campagne de pub qui accompagnait la sortie du jeu en 1997, où ne figurait aucune scène de jeu «in-game»… Final Fantasy VII appartient en effet à ces premiers jeux «grand spectacle». Véritable vitrine technologique de la Playsation en son temps, le soft bénéficiait de scènes cinématiques saisissantes mais aussi de graphismes en 2D précalculés d’une rare finesse. Aujourd’hui, l’argument graphique s’est évanouie ou presque. En tout cas, la grande force du jeu ne réside plus là. A l’heure du «tout HD», FFVII n’a d’autre choix que de faire peau neuve.
FFVII ou l’indémodable pompe à fric
Effet poudre aux yeux?
Alors que l’éditeur enregistrait des pertes chiffrées à 2 millions de yens ce premier trimestre 2012, recycler un vieux succès pouvait donc apparaître comme une idée très lucrative, à moindre coût. Et pour mieux insérer une nouvelle édition de son jeu fétiche sur le marché, l’éditeur a donc pris le soin de maquiller le soft d’une couche HD pour le rendre plus attrayant. Les textures 2D et 3D ont été lissées, les couleurs sont plus vives et les effets spéciaux plus nets. Mais cela suffira-t-il à convaincre les jeunes générations à découvrir le soft? On peut effectivement en douter dans la mesure où le jeu accuse graphiquement le poids du temps. Les personnages type «lego»… pouvant rebuter. Toutefois, le charme de ses graphismes «old-school» continu encore à opérer. Le soft s’adresserait-il plus aux vieux routards du RPG qu’aux joueurs lambdas? Les quelques innovations apportées au soft peuvent nous en dire plus.
La tête dans les nuages…
Proposer un léger lifting graphique pour faire avaler la pillule… soit. Mais proposer une réédition aussi pauvre en réelles nouveautés a de quoi faire jazzer. Alors quoi de bien nouveau à se mettre sous la dent? Tout d’abord, Square investit dans le Cloud Gaming, et le fait savoir. Un système de sauvegarde en «cloud» a donc été mis au point afin de permettre aux joueurs de jouer sur n’importe quel ordinateur où qu’ils soient. Pratique en soi, il demeure néanmoins nécessaire d’avoir accès à internet afin de profiter de sa sauvegarde, sauf si vous avez le courage de faire le soft d’une traite… L’autre nouveauté réside dans les succès que vous pouvez débloquer en cours d’aventure afin de faire l’intéressant devant vos amis… Aussi, sachez qu’il vous est possible de booster librement vos caractéristiques et d’augmenter considérablement vos «Gils» à disposition grâce à un «améliorateur de personnages»… Le rayon des nouveautés parait donc bien ridicule. Ajoutez à cela une traduction VF vieille de quinze ans, avec tous les petits plaisirs que cela comprend et vous obtenez le jeu incontournable de l’année…
Que l’on ne s’y trompe pas, FFVII demeure encore aujourd’hui un grand nom du jeu-vidéo japonais. Les raisons de ce succès sont multiples : un contexte de création favorable à la réception de la culture japonaise outre-atlantique, des graphismes et des scènes vidéos d’une grande finesse, un système de jeu efficace, un backround unique, un scénario riche et profond, des personnages charismatiques… La liste des compliments ne tarie pas, même quinze ans après. Toutefois, cette version PC, en ne proposant aucune réelle nouveauté et en se contentant seulement de relisser le soft pour le doter d’un habillage HD ne peut que nous laisser sur notre faim. Une sortie un peu facile donc, qui apparait comme la réédition de trop.